F comme Forgeron, le métier des ancêtres AVELANGE
Ancêtre du côté maternel, Pierre Avelange est né vers 1717 à Boutancourt (08) et décédé 16 Floréal An 7 (5 mai 1799) à Sapogne (08). Il est marié à Elisabeth Blanchemanche et travaille comme forgeron et maréchal-ferrant
Son fils Joseph Avelange né vers 1749, marié à Berthe Duval exercera le même métier également à Sapogne. Il aura certainement repris la forge familiale.
L’activité de forgeron est apparue en même temps que la découverte du travail des métaux, environ 5 000 ans av. J‑C ; elle est devenue un métier à part entière à mesure que les peuples exprimèrent leur besoin d’avoir des objets plus résistants et aux usages variés : outils, armes, parties mécaniques, grilles, clefs, bijoux, etc…
Le forgeron et le maréchal-ferrant sont les artisans importants de la communauté rurale jusqu’au début du XXe siècle : ainsi Garsault, en 1746, dans son ouvrage « Le nouveau parfait maréchal » écrit : les maréchaux exercent la profession de guérir (les chevaux) de leurs maladies et doivent être en même temps leurs cordonniers, leurs médecins, leurs chirurgiens et leurs apothicaires.
De même, Émile Zola, en 1874, dans Les nouveaux contes à Ninon nous décrit avec admiration le travail du forgeron :
« C’est ainsi qu’un soir, sur la route, après avoir dépassé le village, j’ai aperçu la forge, isolée, toute flambante, plantée de travers à la croix des Quatre-Chemins. La lueur était telle, que la porte charretière, grande ouverte, incendiait le carrefour, et que les peupliers, rangés en face, le long du ruisseau, fumaient comme des torches. Au loin, au milieu de la douceur de crépuscule, la cadence des marteaux sonnait à une demi-lieue, semblable au galop de plus en plus rapproché de quelque régiment de fer. Puis, là, sous la porte béante, dans la clarté, dans le vacarme, dans l’ébranlement de ce tonnerre, je me suis arrêté, heureux, consolé déjà, à voir ce travail, à regarder ces mains d’homme tordre et aplatir les barres rouges. […] J’ai vu, par ce soir d’automne, le forgeron pour la première fois. Il forgeait le soc d’une charrue. La chemise ouverte, montrant sa rude poitrine, où les côtes, à chaque souffle, marquaient leur carcasse de métal éprouvé, il se renversait, prenait un élan, abattait le marteau. Et cela, sans un arrêt, avec un balancement souple et continu du corps, avec une poussée implacable des muscles. Le marteau tournait dans un cercle régulier, emportant des étincelles, laissant derrière lui un éclair. C’était la demoiselle (ndlr : lourd marteau manié à deux mains), à laquelle le forgeron donnait ainsi le branle, à deux mains ; tandis que son fils, un gaillard de vingt ans, tenait le fer enflammé au bout de la pince, et tapait de son côté, tapait des coups sourds qu’étouffait la danse éclatante de la terrible fillette (ndlr : même sens que « demoiselle »mais plus léger) du vieux. Toc, toc – toc, toc – on eût dit la voix grave d’une mère encourageant les premiers bégaiements d’un enfant. La demoiselle valsait toujours, en secouant les paillettes de sa robe, en laissant ses talons marqués dans le soc qu’elle façonnait, chaque fois qu’elle rebondissait sur l’enclume. Une flamme saignante coulait jusqu’à terre, éclairant les arêtes saillantes des deux ouvriers, dont les grandes ombres s’allongeaient dans les coins sombres et confus de la forge. Peu à peu, l’incendie pâlit, le forgeron s’arrêta. Il resta noir, debout, appuyé sur le manche du marteau, avec une sueur au front qu’il n’essuyait même pas. J’entendais le souffle de ses côtes encore ébranlées, dans le grondement du soufflet que son fils tirait, d’une main lente. »
Sans l’éloquence de Zola essayons dans un premier temps, de décrire une forge de village.
Celle-ci comportait un ou deux foyers où le métal était mis à rougeoyer. Depuis des siècles, on utilisait le charbon comme combustible. À l’aide de soufflets, on entretenait son incandescence. Ces soufflets de forge étaient autrefois faits de cuir. Ils étaient sur du bois en palettes. Dès la fin du 19e siècle, ils furent remplacés par des soufflets à cylindres métalliques et à pistons articulés, encore que dans nos campagnes, certains des derniers forgerons demeurèrent fidèles aux vieux soufflets de cuir tard dans le siècle, soit jusqu’à la dernière guerre.
Proches des feux se trouvaient les enclumes, sur lesquelles, manches retroussées et protégé par un grand tablier de cuir, le forgeron façonnait le métal à sa guise, le tordant à l’aide de grosses pinces, puis le martelant à l’aide de masses plus ou moins lourdes. L’outillage du forgeron comprenait des marteaux, des cisailles, des limes (la lime apparut dès le 14e siècle), etc.
Il était celui qui cerclait les tonneaux, les seaux de bois. Il pouvait tout aussi bien jouer le rôle du rémouleur, du rétameur, et il rebouchait à l’étain les casseroles trouées et autres ustensiles de cuisine.
Les roues de charrettes étaient fabriquées par le charron et ensuite cerclées à chaud par le forgeron. Dans les villages, c’était l’occasion d’une réunion de main-d’œuvre pour cercler plusieurs roues dans la journée. La jante en fer avait été fabriquée avec une circonférence inférieure de deux ou trois centimètres à celle de la roue en bois. La dilatation permettait de placer cette jante et de la serrer par refroidissement autour de la roue. Aujourd’hui, cette technique est reproduite à l’occasion de fêtes rurales.
Outre l’importance de ses travaux dans les activités et la vie domestique du paysan, le forgeron était indispensable aux travaux des autres artisans du village. Il fabriquait les outils du charpentier, du menuisier, du sabotier, du charron dont parfois il assumait le travail. C’était encore lui qui fabriquait les outils du filassier, (cardes et peignes), ceux du fabricant de rabelles (haches et herminettes), les outils à fendre du merrandier, le rouable du boulanger, la pioche du cantonnier, les pinces et les pics du carrier.
Pratiquement toujours, le forgeron était maréchal-ferrant, et il assurait le ferrage des chevaux, mais aussi des ânes et des vaches, des bœufs ; les vaches travaillaient comme les bœufs dans nos régions pauvres.
Le bouquet de Saint‑Éloi est le nom donné au chef-d’œuvre réalisé par l’élève maréchal-ferrant lors de la fin de son Tour de France. Grâce à cette pièce exceptionnelle et si son travail est apprécié par ses pairs, il sera reçu compagnon.
Ce bouquet de fers en tous genres réunissait toutes les difficultés d’exécution possibles et envisageables : polychromes, enseignes, plats, en ressaut, sabots accidentés ou difformes et orthopédiques, pieds d’âne, de mulets, de poneys, de bœufs de trait de vaches ou que sais-je encore.
Il était réalisé par le compagnon lui-même. Il devait refléter l’habileté de ce dernier car y figuraient tous les différents modèles de fers découverts au cours de son apprentissage. Ces fers, pour certains très peu courants, étaient disposés en éventail, en un ou plusieurs registres superposés, soudés ou rivetés les uns aux autres, le tout parfois surmonté de l’effigie du saint patron de la profession : saint Eloi. (ndlr : saint patron des ouvriers qui se servent d’un marteau, c’est-à-dire des orfèvres et des métallurgistes, et donc des maréchaux-ferrants.) Il existe des bouquets très foisonnants et richement ornés et autres très dépouillés, présentant uniquement les fers Traditionnellement, cette pièce était suspendue au-dessus de l’entrée de l’atelier.
La loi de mars 1791 supprime les corporations et instaure la patente. Dès la fin du XVIIIe siècle, après la création des Écoles vétérinaires (Lyon 1762, Alfort 1766) une rivalité naît entre les maréchaux et les vétérinaires. Cette rivalité et la loi de mars 1791 amenèrent de nombreuses faillites de boutiques de maréchaux, principalement dans les villes.
Aussi, le déclin de ce métier de maréchal-ferrant était inéluctable même s’il connut un regain d’activité de 1939 à 1945, car les chevaux avaient repris du service pour les transports. Après la Deuxième Guerre mondiale, le halètement du soufflet et le tintement clair et cadencé du marteau sur l’enclume disparurent peu à peu de nos bourgs et villages. Les progrès techniques, l’apparition de machines agricoles modernes (moissonneuses-batteuses, tracteurs…) et le développement de l’automobile ont fait disparaître de nos campagnes le maréchal-ferrant.