25 octobre 2020

A comme Ancêtres ardennais

Par jlgrandidier

Nous voilà transportés avec ce billet dédié aux familles Avelange et Bréville dans une nouvelle région de France. Après avoir traversé les Vosges, (pays de mon grand‑père paternel), la Bretagne, (celui de mon grand‑père maternel), nous arrivons dans les Ardennes, berceau de la famille de mon arrière‑grand‑mère maternelle, Marie Uranie Bréville épouse Avelange, que nous appelions « mémère Annie ».

De Boutancourt, où est né vers 1690 Pierre Avelange, à Francheval, les Avelange, resteront toujours dans un petit périmètre, au nord-est du département, allant du sud de Charleville à l’est de Sedan, dans les terres de l’ex-principauté de Sedan…

                                                                                   …que le roi Louis XIV (le 20 mars 1651) « pour le bien de son état et pour mettre à couvert la frontière de Champagne, suivant la résolution du défunt Roy son père Louis XIII » acquiert définitivement avec toutes ses appartenances et dépendances.

Les Bréville ne feront que 12 kilomètres pour rejoindre Francheval depuis Mouzon où est né vers 1760 Jean-Baptiste Bréville. (Nous n’avons pas pu remonter plus avant , car toutes les archives de ce village ont été détruites ou perdues pendant les deux guerres mondiales).

Ainsi, nos ancêtres Avelange et Bréville sont originaires de l’ancienne principauté de Sedan comprenant  les villes et villages de Balan, Bazeilles, La Chapelle, Daigny, Douzy, Fleigneux, Francheval, Givonne, Illy, La Moncelle, Pouru-Saint-  Remy, Rubécourt, Sedan et Villers-Cernay,l’ancienne souveraineté de Raucourt (Angecourt, Haraucourt, Bulson, Thelonne et Noyers-Pont-Maugis, Wadelincourt)et la souveraineté de Saint-Menges, en indivis.

Le territoire correspondant au département actuel des Ardennes a été habité très tôt, sous l’Antiquité et même sous la Préhistoire. Contrairement aux lieux communs sur le caractère infranchissable de la forêt des Ardennes, cette région s’est montrée perméable et ouverte aux échanges et aux flux migratoires. C’est à Attigny, en Ardennes, que Widukind de Saxe aurait été converti au christianisme avec plusieurs de ses hommes en 785 par Charlemagne.

Dès l’an 843, dans le haut Moyen Âge, le traité de Verdun qui partage l’Empire de Charlemagne entre ses trois petits-fils en fait cependant une zone frontalière, le long de la Meuse, entre la Francie occidentale (le futur Royaume de France), et la Francie médiane qui va de la Frise à l’Italie. L’appartenance de ces territoires au royaume de France n’a été remise en cause réellement que durant quelques décennies, pendant la guerre de Cent Ans, sous l’action des Rois d’Angleterre et des ducs de Bourgogne.

Du xve siècle au milieu du xviie siècle, les rois de France, dont l’autorité est fragilisée par les Guerres de religion et les mouvements de Fronde, acceptèrent et encouragèrent même la création de principautés à la lisière du territoire ardennais.

Ces principautés étaient des fiefs théoriquement souverains et constituaient autant de marches protégeant le Royaume : les Principautés de Sedan, de Château-Regnault et d’Arches notamment.

Pour l’anecdote il est intéressant de noter que les princes de Sedan battent monnaie et encouragent les manufactures d’armes, la fabrication du drap de laine, la dentelle Point de Sedan et l’horlogerie. Des imprimeurs protestants comme Jean Jannon s’installent dans la principauté, et Bernard Palissy y réalise ses recherches sur les émaux.

Pour autant, Richelieu puis Mazarin s’employèrent au XVIIe  siècle à rétablir l’autorité royale, à absorber ces principautés, et à mettre à profit la victoire de Rocroi en 1643 pour mieux délimiter les frontières et s’emparer de places fortes telles que le fort de Charlemont, dans la pointe de Givet.

Puis, dans la première moitié du XVIIIe siècle, les secrétaires d’État de la Guerre s’obligèrent à renforcer les lignes de défense aux frontières, sur la Meuse et la Semoy, avec un certain succès.

Avant la Révolution française de 1789, les frontières s’étaient stabilisées. Mais dans certaines communes des Ardennes, le rattachement à la France était récent et certains habitants connaissaient à peine leur maître. Ainsi peut-on lire dans le cahier de doléances de 1789 de la ville de Fumay cette remarque en début de rédaction : « Depuis qu’ils (les habitants de Fumay) ont l’honneur d’appartenir à la France, ils ont été conduits comme des esclaves mercenaires qui ne connoissent (sic) leur maître que pour les rigueurs qu’exercent sur eux ses agents intermédiaires ».

Une terre peuplée d’histoire

Peuplées depuis les temps les plus reculés, les Ardennes doivent leur nom aux forêts qui recouvrent leur territoire. « Arduinna », en langue celtique, signifie « forêt profonde ».

Les Ardennes ont été, à toutes les époques, un carrefour et une terre de passage. La Meuse, ce grand fleuve qui les traverse, a toujours constitué une voie d’échanges et de pénétration. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Cette implantation, à proximité des frontières du Nord, leur a apporté certes du bonheur et de la prospérité, mais aussi du sang, comme en témoignent les innombrables vestiges de l’histoire militaire et combattante qui jonchent le pays d’Ardenne.

Les cliquetis des armes se sont tus. Aussi les châteaux forts, les remparts, les fortifications, les forteresses, ou encore les églises fortifiées qui jalonnent la campagne et embellissent les villes ne représentent plus que des éléments du patrimoine.

L’occupation humaine du territoire est ancienne, attestée par des objets vieux de 40 000 ans, découverts à Roc-la-Tour et des vestiges de la plus longue ferme néolithique d’Europe, mise au jour à Mairy.

Cinq siècles av. J‑C, les Celtes se répandent sur la région, laissant, ici et là des traces de leurs activités et de leurs rites. Puis arrivent les Romains, qui construisent des voies, dont on peut suivre encore le tracé à travers la campagne, ou des habitations, dont les ruines apparaissent au hasard des fouilles.

Après la civilisation gallo-romaine vient le temps des invasions. Une période d’épanouissement, liée au développement des cultures mérovingienne puis carolingienne, lui succède. Charlemagne possède dans les Ardennes deux propriétés, l’une à Douzy et l’autre à Attigny. Il y fait, dit-on, de fréquentes visites.

Plus tard, les Ardennes partagent le même destin que les autres territoires. Elles sont morcelées en une infinité de fiefs d’où émergent deux puissantes familles, les Comtes de Rethel et les Lamarck à Sedan. Les premiers nous ont légué, à travers Charles de Gonzague, la célèbre place Ducale de Charleville‑Mézières, joyau du XVIIe siècle, les seconds, le château de Sedan, forteresse réputée être la plus étendue d’Europe.

Un champ de batailles

Comme partout, la guerre de Cent Ans, les guerres de Religion, la guerre de Trente‑Ans sont violentes. Les églises fortifiées de la Thiérache Ardennaise, qui forment aujourd’hui un ensemble unique, rappellent ces époques troublées.

Tout au long des siècles, le pays est un vaste champ de bataille. De grandes confrontations européennes s’y déroulent. La bataille de Rocroi reste dans l’Histoire de France l’une des plus célèbres. Condé y remporta, en 1643, une victoire éclatante sur les Espagnols.

1870, en revanche, est une défaite pour la France. La guerre s’achève par un désastre à Sedan. Malgré une résistance héroïque des troupes françaises à Bazeilles, l’armée, encerclée, est vaincue. L’acte de capitulation est signé par Napoléon III au château de Bellevue.

En 1914, les Ardennes sont à nouveau envahies. Le département est alors occupé totalement par les Allemands qui imposent leur loi avec une implacable rigueur jusqu’à l’Armistice de 1918. Le pays est entièrement ravagé. Il en portera longtemps des séquelles.

En 1939, l’ennemi franchit une nouvelle fois la frontière, pourtant réputée infranchissable. Les chars de Gudérian parviennent jusqu’à la Meuse à Sedan et butent sur les lignes françaises. Celles-ci finissent par céder, malgré des résistances farouches, notamment à Stonne ou à La Horgne. L’attitude héroïque de certains éléments de l’armée française n’épargne pas l’exode à des milliers d’Ardennais. La liberté perdue est retrouvée en 1944, à la libération du territoire par les troupes américaines.

Une terre de labeur et de culture

Si les Ardennes ont été dans l’histoire souvent meurtries par les conflits, elles ont su aussi tirer profit de leur situation géographique pour bénéficier, au passage, d’éléments positifs des civilisations qui les traversaient, et innover.

Par exemple, au xiie siècle, le pays s’est trouvé en pointe avec la Charte de Franchise de Beaumont en Argonne qui a servi de modèle municipal à plus de 600 communautés de la France du Nord.

Dans le domaine technique aussi, la région a été particulièrement précoce. On y a travaillé le métal très tôt, depuis les Celtes. En 1840, le département était le second producteur français de fer. Dans le secteur de Rethel, l’industrie lainière a été longtemps florissante. Sous l’Ancien Régime, Sedan a été une des capitales européennes du drap. Enfin, dans le domaine religieux, le passage à la Réforme des Princes de Sedan en 1562 a fait de Sedan, pour plus d’un siècle, la « Genève du Nord ». La ville, par son collège et son académie, a été un foyer de culture international qui a rayonné dans toute l’Europe protestante.

Depuis 1945, la paix s’est installée. Durablement. Les meurtrissures des guerres et des invasions ont forgé le caractère des Ardennais. Mieux que d’autres, ils connaissent le prix des larmes.